Louis Lapicque (Epinal, 1866 ; Paris, 1952) fut l’un des physiologistes les plus curieux, imaginatifs et productifs de son temps. Après des recherches fructueuses sur le métabolisme du fer et un voyage autour du monde qui fit de lui un anthropologiste réputé, Lapicque entreprend une étude mathématique des relations entre le poids du cerveau et le poids du corps. Au début du xx ^e siècle, il débute ses travaux cruciaux sur l’excitabilité des nerfs et des muscles. En 1907, il publie un article, devenu célèbre, décrivant la membrane des cellules excitables sous la forme d’un circuit électrique équivalent. De plus, il propose un processus d’excitation basé sur des changements de potentiel membranaire et la notion de seuil de décharge. Ce modèle, aujourd’hui connu sous le nom de « intègre-et-décharge », a prouvé sa puissance prédictive pour décrire l’activité des neurones individuels et des réseaux neuronaux complexes. Lapicque établit également deux paramètres d’excitabilité encore utilisés de nos jours, la rhéobase (paramètre d’intensité) et la chronaxie (paramètre de durée) qui déterminent la capacité endogène d’un tissu excitable à générer un potentiel d’action en fonction de la durée du stimulus. Lapicque doit être considéré comme le découvreur de l’« excitabilité intrinsèque » qui représente à la fois les propriétés électriques passives de la membrane et son appareillage en canaux ioniques. Il participa ainsi, et de manière cruciale, à l’élaboration de notre compréhension moderne de l’activité cérébrale où le comportement de chaque neurone, et donc aussi des réseaux, résulte d’interactions complexes entre les entrées synaptiques et les propriétés électriques membranaires.