ATS6-1 Un faux problème : la stomatodynieest-elle d’origine somatique ou psychologique ? - 14/04/08
pages | 2 |
Iconographies | 0 |
Vidéos | 0 |
Autres | 0 |
Résumé |
La stomatodynie est caractérisée par une brûlure, bilatérale et symétrique, spontanée, continue, de la muqueuse buccale sans cause organique notable. La dysesthésie buccale constitue la plainte principale qui est souvent associée à une dysgueusie et à une impression de sécheresse buccale. L’homogénéité clinique de la maladie a été objectivée par une récente analyse multidimensionnelle dans laquelle la stomadynie constituait l’entité la plus compacte parmi 248 patients présentant une large gamme de douleurs chroniques orofaciales (Woda et al. 2005).
La stomatodynie a longtemps été considérée comme un exemple de « psychalgie ». Cette position est aujourd’hui dépassée et la nature neuropathique de la maladie est de moins en moins contestée. Les arguments sont nombreux et convergents :
– | démonstration de lésions des terminaisons nerveuses de la langue avec destruction des fibres fines (Lauria et al.2005), |
– | modifications du réflexe de clignement de la paupière (Jääskeläinen et al. 1997), |
– | modification des seuils psychophysiques enregistrés par QST (Grushka and Sessle, 1991 ; Svensson et al. 1993 ; Forsell et al. 2002), |
– | disparition, dans près de la moitié des cas, de la douleur spontanée et de la dysgueusie après application topique de lidocaïne (Formaker et al.1998), |
– | abolition de la douleur après application locale d’un psychotrope (Grémeau-Richard et al. 2004) |
– | interaction entre afférences somatiques et gustatives sans doute au sein de la muqueuse linguale et rôle aggravant des désafférentations dentaires dans ce phénomène (Boucher et al. ; Bartoschuk et al. 1989), |
– | présence de trouble du système nerveux autonome sous la forme de dysfonction vasculaire (Heckmann et al. 2001) et de modification de la composition de la salive impliquant un dysfonctionnement des glandes du même nom (Nagler and Hershkovitch, 2004). |
L’identification des causes de ces modifications nerveuses, doit prendre en compte deux faits majeurs : (i) la population cible est constituée pour l’essentiel de femme péri- ou post-ménopause avec un âge moyen de 60 ans ; (ii) il existe une forte co-morbidité avec les symptomatologies anxieuse ou dépressive (Eli et al. 1994 ; Rojo et al.1994). Nous proposons une hypothèse étiologique fondée sur l’association de ces deux facteurs pour induire un déséquilibre de la balance stéroïdienne.
Les modifications hormonales des femmes en cours de ménopause ou ménopausées sont évidentes et la petite minorité de patients stomatodyniques qui n’appartient pas à cette population peut aussi être suspectée d’un déséquilibre des hormones sexuelles (femmes jeunes ovarectomisées ou sous traitements anticancéreux ou contraceptif liés aux stéroïdes, hommes très âgés ou sous traitement antiprostatique).
D’autre part, des publications récentes font état d’une modification des taux de glucocorticoïdes sériques en présence de dépression (Tse and Bond, 2004) ou de stress chronique (Tafet and Bernardini, 2003) et en particulier dans les cas de troubles liés à un stress chronique post-traumatique (Kellner et al. 2002). Une étude récente a également montré que des modifications à long terme peuvent être mémorisées dans l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénaliens. Une exposition précoce de jeunes enfants à la présence d’une mère subissant un stress peut sensibiliser les réponses hypophyso-surrénaliennes lors d’exposition plus tardives à des situations stressantes (Essex et al. 2002).
Enfin, il a été récemment montré que certains neurones ou cellules gliales sont capables de synthétiser des dérivés du cholestérol que Beaulieu a nommé neurostéroïdes (1998). Il s’agit de substances identiques aux hormones sexuelles et aux glucocorticoïdes qui n’en diffèrent que par leur mode d’action autocrine ou paracrine. Ceci explique une des propriétés essentielles des neurostéroïdes : leur activité est spécifique de certaines régions du cerveau. Notons qu’elles sont aussi présentes dans le système nerveux périphérique. Comme ces substances sont impliquées dans la neuroprotection, le stress et la dépression, il est légitime de supposer qu’elles participent au déséquilibre de la balance stéroïdienne qui semble caractériser la stomatodynie. L’intervention des neurostéroïdes pourrait aussi expliquer le caractère buccal de ces douleurs. Notons qu’une expression buccale de l’hyperalgie par déficit en hormones sexuelles a été retrouvée chez la rate ovarectomisée et non chez le rat mâle (Pajot et al. 2003).
Le site d’action des divers stéroïdes est à la fois génomique et non-génomique. Si le mode d’action génomique est susceptible d’expliquer certaines modifications à long terme, certains récepteurs membranaires sont probablement également responsables d’activité ectopiques à l’origine des sensations de brûlure. Il y a, à ce jour, peu d’éléments permettant de prédire le site d’action, périphérique ou central, des stéroïdes dans la stomatodynie. Toutefois, des données préliminaires et la clinique laisse penser que les deux peuvent être impliqués en association et en proportion variable. Il est cependant intéressant de se pencher sur le cas des récepteurs GABA-A auxquels sont associés un site benzodiazépine et un site stéroïde. Ces récepteurs sont présents sur les fibres amyéliniques du système nerveux périphériques et leur activation pourraient induire selon la concentration de l’agoniste une excitation ou une inhibition de l’activité des fibres afférentes nociceptives (Carlton et al. 1999). Leur implication dans la stomatodynie peut être suggérée du fait que leur densité est sujette aux mêmes influences que la stomatodynie (stress, sexe, anxiété, ménopause, vieillissement) et parce que le clonazepam, qui est un des meilleurs agonistes de leur site benzodiazépine et s’est révélé, en application locale, être le seul remède dont l’activité ait été démontrée dans une étude contrôlée (Gremeau-Richard et al. 2004).
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Plan
Vol 8 - N° S1
P. 50-51 - février 2007 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’accès au texte intégral de cet article nécessite un abonnement.
Bienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
L’achat d’article à l’unité est indisponible à l’heure actuelle.
Déjà abonné à cette revue ?