La dignité semble être un concept simple en éthique et la revendiquer pour soi ou pour les autres paraît aller de soi. Or, le système de ses usages et du signifiant qui les scelle manifeste une très grande diversité qui peut aller jusqu’à un jeu d’oppositions dont l’analyse permet d’apercevoir la structure et le fonctionnement métonymiques, lesquels se révèlent importants en éthique. Le mot dignité enregistre les plis qui déterminent les usages idéologiques dont il est aussi difficile que nécessaire de se débarrasser des effets, liés à l’inconscience de leur production. Le propos n’est pas de renoncer à cette valeur de dignité — pas plus qu’à la multitude des valeurs qui constituent à présent l’éthique —, mais il est de tenter de devenir conscients de la morale qui l’habite et qui, suscitant l’éthique, est en même temps son plus subtil obstacle en ce qu’il empêche qu’elle devienne ce qu’elle est profondément : une diplomatie. Nous souhaitons ici enclencher, entre philosophie critique, linguistique et psychanalyse, les bribes d’une méthode qui, généralisée à l’ensemble des valeurs, pourrait peut-être constituer en éthique l’équivalent de ce que nos aïeux appelaient de « théories des passions », dont le genre est périmé.

Dignity seems to be a simple concept in ethics and claiming it for oneself or for others seems to be self-evident. However, the system of its uses and of the significant that seals them offers a great diversity that can go so far as a set of oppositions, the analysis of which allows us to perceive the metonymical structure and functioning of ethics. The word dignity records the folds that determine the ideological uses whose effects, linked to the unconsciousness of their production, are as difficult as they are necessary to get rid of. The aim is not to give up this value of dignity — any more than it renounces the multitude of values that now constitute ethics — but to try to become conscious of the morality that inhabits it and which, as the source of ethics, is at the same time its most subtle obstacle in that it prevents it from becoming what it profoundly is: diplomacy. Our purpose is to set in motion, between critical philosophy, linguistics and psychoanalysis, the snippets of a method, which, generalized to the whole range of values, could perhaps constitute in ethics the equivalent of what our forefathers called ‘theories of passions’, the genre of which is obsolete.