La mémoire autobiographique repose un processus de reconstruction qui fournit au soi une trame narrative cohérente dans le temps, à l’origine d’un sentiment d’identité. Qu’il s’agisse de l’anamnèse ou des processus psychothérapeutique, la mémoire autobiographique est souvent au cœur de la clinique psychiatrique. Dans la dépression, le rappel en mémoire autobiographique est caractérisé par la congruence à l’humeur, la difficulté à rappeler des souvenirs spécifiques (ou surgénéralisation), une perspective visuelle à la troisième personne et la fréquence des souvenirs intrusifs. La congruence à l’humeur colore péjorativement les souvenirs du sujet et contribue à sa vision négative de soi, du futur et du monde. La surgénéralisation le prive des ressources narratives nécessaires pour échapper à une vision de soi figée dans l’actualité de l’état dépressif. La perspective visuelle à la troisième personne témoigne de sa distanciation avec ses souvenirs positifs. Enfin, les souvenirs intrusifs, caractérisés par un rappel involontaire, rapide et sans effort, exposent le sujet à la reviviscence d’événements de vie négatifs généralement vivaces, pénibles et associés à un moins bon pronostic de l’épisode dépressif. Les bases cérébrales de ces troubles de la mémoire autobiographique recoupent partiellement celles de l’état dépressif lui-même, avec une diminution du contrôle cognitif exercé par le cortex préfrontal, une hyperactivité des régions limbiques et une dysrégulation des structures corticales médianes. Sur le plan psychopathologique, ces troubles sont associés à plusieurs biais cognitifs typiques de la dépression, en particulier l’évitement cognitif, la rumination et la focalisation sur soi, qui constituent des cibles habituelles en thérapie cognitive. Plus spécifiquement, certaines approches psychothérapeutiques de la dépression, telles que le MEmory Specificity Training (MEST), ciblent explicitement les troubles de la mémoire autobiographique avec des résultats encourageants.