Formes cliniques de l’infection à Francisella tularensis : à propos de trois observations - 22/11/19
Résumé |
Introduction |
La tularémie est une maladie d’inoculation causée par un coccobacille gram négatif, Francisella tularensis. Cette zoonose est transmise à l’homme par contact avec des animaux infectés du genre des lagomorphes ou des rongeurs, et plus rarement par piqûre de tiques. La forme ulcéro-ganglionnaire est la plus décrite en pathologie humaine. Nous rapportons le cas de deux patients se présentant pour une symptomatologie similaire inaugurant le tableau d’une tularémie pulmonaire dans les suites d’un débroussaillage dans la région de Bourgogne-Franche-Comté, et un 3e cas d’une tularémie dans sa forme ganglionnaire suite à une piqûre de tique, survenant tous au 2e semestre de l’année 2019.
Observation |
Observations 1 et 2 : deux patients, M. O., et son beau-frère ayant respectivement 64 et 68 ans, sans antécédents particuliers, se sont présentés aux urgences dans un tableau fait d’une fièvre oscillante entre 38,5 et 40°C avec frissons, une toux peu productive et des myalgies diffuses. Une semaine auparavant, ils étaient partis ensemble débroussailler des terrains sans aucune protection du visage ou port de casque (les patients rapportaient avoir vu des rongeurs heurtés par leur débroussailleuse rotative, avec projection de sang). L’examen somatique des deux patients était normal en dehors d’une fièvre objectivée. À la biologie, on retrouvait une lymphopénie avec discrète monocytose. Il existait un syndrome inflammatoire biologique avec une CRP à 98mg/L pour l’un et 120mg/L pour l’autre. Les radios pulmonaires ne montraient pas d’anomalies. Les ECBU étaient stériles. Les hémocultures étaient négatives. Les sérologies EBV, CMV et toxoplasmose concluaient à une immunité ancienne. Les sérologies des hépatites B, C et VIH étaient négatives. Une tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne injectée a été réalisée pour les deux patients objectivant un aspect quasiment identique fait de plusieurs formations nodulaires spiculées faisant entre 5 et 29mm de grand axe prédominant au niveau des lobes inférieurs, avec absence d’épanchement pleuro-péricardique. Un lavage broncho-alvéolaire a été réalisé pour l’un des patients retrouvant une hypercellularité avec prédominance de polynucléaires. L’examen direct ne retrouvait pas de d’agents pathogènes, ni de bacilles acido-alcoolo-résistants ou de cellules néoplasiques. La culture était négative. Les antigénuries légionelle, les sérologies Mycoplasme pneumoniae, Chlamydiae pneumoniae, Coxiella burnetii, ainsi que le Quantiféron-TB Gold® étaient toutes négatives. La sérologie F. tularensis faite à 3 semaines du début des symptômes est revenue positive pour les deux patients en IgM et en IgG, avec un titre d’IgG qui a doublé sur une sérologie de contrôle au bout de 15jours pour l’un des deux patients. Un 2e sérum a été envoyé au CNR confirmant ainsi la positivité des sérologies. Le diagnostic d’une tularémie pulmonaire a été retenu. Aucune antibiothérapie n’a été prescrite devant une évolution spontanément favorable. Une nouvelle imagerie de contrôle, avec un recul de 3 mois montrait une quasi disparition des lésions pulmonaires pour les deux patients.
Observation 3 : un jeune de 32 ans, sans antécédents, s’est présenté pour une fièvre mal tolérée avec un conglomérat d’adénopathies inguinales gauches douloureuses, fluctuantes à la palpation, non suppuratives, et un placard érythémateux cutané en regard, sans lymphangite associée. L’examen retrouvait un chancre d’inoculation noirâtre faisant 2cm de diamètre au niveau de la face postérieure de la cuisse gauche, ainsi qu’une deuxième cicatrice au niveau des fesses. Une piqûre de tique a été rapportée par le patient 4jours auparavant, après une randonnée pédestre dans le Doubs. À la biologie, on notait une et une CRP élevée à 55mg/L. L’échographie et le scanner abdomino-pelvien confirmaient la présence de multiples adénopathies inguinales gauches dont les plus volumineuses mesuraient 14 et 18mm, remontant jusqu’en iliaque externe gauche, associées à une infiltration œdémateuse cutanéo-sous-cutanée. Les sérologies syphilis et VIH étaient négatives. Les sérologies Bartonella, Rickettsia et F. tularensis faites à une semaine du début des signes étaient aussi négatives. La PCR sur biopsie du chancre, était fortement positive à F. tularensis, confirmée au CNR. Un traitement par doxycycline a été prescrit avec une évolution favorable faite d’une apyrexie et disparition des adénopathies.
Conclusion |
Actuellement, une forte incidence de tularémie est décrite en France depuis 2018, mais plutôt dans l’ouest du pays. La survenue de nombreux cas d’atteinte pleuropulmonaire et ne présentant pas les facteurs de risque habituels suggère une modification de l’épidémiologie, d’origine non connue à ce jour, et justifiant une surveillance stricte du réservoir de cette pathologies humaine accidentelle.
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Vol 40 - N° S2
P. A205-A206 - décembre 2019 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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