L’aspergillose cutanée primaire est une affection rare, principalement décrite chez des patients immunodéprimés. Les exceptionnels cas survenant chez des sujets immunocompétents se présentent de façon constante sur un site de lésion cutanée préalable.

Nous rapportons ici le cas clinique d’une patiente de 84 ans hémodialysée, qui a développé une lésion d’aspergillose cutanée primaire au niveau de la nuque, zone de microtraumatismes répétés induits par la bande élastique de l’appareil BiPAP de ventilation non-invasive. La lésion, initialement évocatrice d’escarre de pression, avait d’abord été traitée comme telle. Elle avait ensuite évolué vers une ulcération nécrotique mimant cliniquement un ecthyma gangreneux. Devant l’échec thérapeutique d’une antibiothérapie orientée par les résultats microbiologiques (culture positive à Pseudomonas aeruginosa), le diagnostic d’aspergillose cutanée primaire était suspecté et confirmé par les critères histopathologiques. Le défaut d’isolement d’Aspergillus en culture mycologique tissulaire n’élimine pas le diagnostic d’aspergillose cutanée. Les diagnostics de Pseudallescheria boydii et Fusarium spp étaient éliminés en associant les arguments cliniques et histologiques. La patiente était traitée par un débridement chirurgical superficiel, combiné à un traitement médical à base de voriconazole, à une dose de 400mg par jour en deux prises orales espacées de 12heures, pour une durée de 4 semaines. Une résolution complète de la lésion initiale était rapportée en fin de traitement, sans aucun effet secondaire signalé.

L’altération des deux branches de l’immunité (innée et acquise), associée à l’insuffisance rénale chronique terminale, prédispose à une susceptibilité accrue aux infections. Les cas d’aspergillose décrits chez les sujets hémodialysés comprennent des aspergilloses invasives pulmonaires ou rhino-orbitaires, des endocardites et des thromboses artérioveineuses à Aspergillus. À ce jour, il s’agit du premier cas clinique d’aspergillose cutanée primaire rapportée chez une patiente en hémodialyse.

Ce cas souligne la possibilité de survenue d’aspergillose cutanée chez un patient en état d’immunodépression relative, conférée par l’insuffisance rénale chronique terminale. Une aspergillose cutanée primaire est alors à évoquer face à une ulcération évolutive rebelle au traitement antibiotique adapté et aux soins locaux classiques.