L’appareil oculaire antérieur, barrière protégeant les structures oculaires sous-jacentes, est à cheval sur les domaines de compétence du dermatologue et de l’ophtalmologue. Il est constitué de la conjonctive bulbaire et la paupière, elle-même constituée de 3 parties différentes : paupière cutanée, bord libre et conjonctive tarsale. Les tumeurs, notamment næviques, de cette région ne sont pas exceptionnelles ; aussi avons-nous mis en place une consultation mixte dermato-ophtalmologique dédiée à cette prise en charge.

La consultation a officiellement débuté comme consultation mixte multidisciplinaire en mai 2013. Au minimum 2 dermatologues et 2 ophtalmologues y participent. Sont réalisés si besoin un examen en lampe à fente, une dermatoscopie, une microscopie confocale et une échographie haute définition. Il s’agit de patients exclusivement référés par des dermatologues ou ophtalmologues.

Au total 1067 consultations ont été réalisées soit 748 patients, 398 femmes, 350 hommes d’âge moyen 58,3 ans EType 21,78. Quarante-cinq enfants ont été pris en charge, le plus jeune ayant 5 ans et 31 sujets étaient nonagénaires. Quatre cent quinze tumeurs palpébrales ont été examinées dont 162 suspicions de CBC, 108 nævus de diagnostic incertain, 3 suspicions de mélanome, 12 carcinomes épidermoïdes. Ont été diagnostiqués entres autres tumeurs : 6 mélanomes, 6 carcinomes épidermoïdes, et 80 CBC. Deux cent soixante-quatorze tumeurs conjonctivales ont été examinées dont 81 suspicions de nævus conjonctival, 62 de PAM, 6 de mélanomes, 11 de carcinomes épidermoïdes. Ont été diagnostiqués entres autres tumeurs : 10 mélanomes, 22 mélanocytoses et 9 nævus de Ota, 1 lymphome du MALT, 5 carcinomes épidermoïdes.

Il existe une population redevable de cette prise en charge. Nous avons diagnostiqué les principales tumeurs rencontrées dans la pratique dermatologique usuelle. Mais les classifications nosologiques et les outils d’examen d’imagerie sont volontiers différents entre dermatologues et ophtalmologues alors que nous traitons les mêmes tumeurs. Ceci explique aussi probablement pourquoi cette zone anatomique est assez peu investie tant par les dermatologues que paradoxalement par les ophtalmologues.

Cette consultation nous a permis d’harmoniser nos pratiques et la nosologie. Un enseignement pratique d’ophtalmo-dermatologie est prodigué de manière hebdomadaire depuis 4 ans aux juniors de dermatologie et d’ophtamologie et depuis 1 ans aux pathologistes. Une culture commune se met ainsi en place.

Ceci nous parait d’autant plus important que la prise en charge de ces tumeurs peut nécessiter une exérèse. Il n’y a habituellement pas de possibilité de réaliser de biopsie. Le diagnostic doit donc être le plus fiable possible pour éviter des cicatrices inutiles et de laisser évoluer des tumeurs dont le caractère térébrant ou le potentiel métastatique dans cette topographie peut être rapidement dramatique.