Un virus de poche - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
Le risque infectieux des poches transfusionnelles a considérablement diminué ces dernières années, et la politique de santé et les progrès techniques tendent à le réduire encore. Le cas clinique suivant illustre l’un des risques résiduels d’infection transmise par transfusion.
Observation |
Monsieur M, 83 ans, est hospitalisé pour un ictère à bilirubine libre.
Il est connu pour un lymphome de bas grade diagnostiqué récemment. Ce dernier n’est pas traité, en accord avec le patient, au vu de son âge, et du peu de répercussions en dehors d’une anémie modérée simplement prise en charge par transfusions ponctuelles.
Monsieur M. est ainsi transfusé de 4 CGR à j-3 et j-2. L’efficacité transfusionnelle est satisfaisante avec une hémoglobine passant de 66g/l à 91g/l. L’ictère apparaît à j0, associé à une hyperbilirubinémie à 105μmol/l. Il y a à ce moment-là peu d’éléments en faveur d’une hémolyse (stabilité de l’hémoglobine, haptoglobine normale, réticulocytes non élevés à 70G/l et LDH haute cependant explicable par le lymphome). Le test de Coombs indirect est négatif (en défaveur d’un accident transfusionnel), et le test de Coombs direct est positif pour le C3d mais de manière non spécifique. Le bilan hépatique et le reste de l’hémogramme sont normaux. Le tableau se complète à j3 avec l’apparition d’une pancytopénie (hémoglobine à 78g/l, paquettes à 81G/l, PNN à 0,8G/l), et des réticulocytes effondrés à seulement 3G/l. Le myélogramme retrouve une érythroblastopénie associée à une légère diminution de la lignée mégacaryocytaire mais sans autres anomalies de la lignée myéloïde, et une infiltration lymphomateuse à 30 %. On constate au cours des jours suivants une normalisation spontanée des chiffres de plaquettes et PNN. L’hémoglobine et la bilirubine prendront quelques semaines à se corriger.
Le problème consiste donc en une érythtoblastopénie, associée temporairement à une pancytopénie, et précédée d’une hyperbilirubinémie probablement hémolytique. Nous complétons le bilan par un scanner afin d’éliminer un thymome. La pharmacovigilance écarte l’hypothèse d’une iatrogénie. L’imputabilité du lymphome lui-même est jugée faible par notre hématologue. Il n’y a pas d’argument pour une infection ou une maladie auto-immune. La première sérologie Parvovirus B19 (PVB19) est négative. Monsieur M. peut rentrer chez lui après quelques jours devant l’amélioration globale de ses symptômes.
Le diagnostic est posé rétrospectivement à j15 grâce à la 2e sérologie PVB19 qui s’avère positive en IgM et IgG, permettant ainsi d’affirmer le diagnostic de primo-infection PVB19. Concernant l’implication des transfusions récentes dans cette infection, l’analyse des 4 CGR nous donne la réponse en révélant une PCR PVB19 positive pour l’un d’entre eux, avec un taux>105 UI/mL (testé en P48). Nous pouvons donc conclure que notre patient a présenté une érythoblastopénie due à une infection PVB19 transmise par transfusion.
Discussion |
Les infections PVB19 transmises par transfusion sont rares. Par exemple, le risque au Japon est d’environ 1 pour 6 millions [1 ]. Le cas échéant elles provoquent alors souvent des troubles hématologiques graves, avec des case-reports de pancytopénie, anémie ou thrombocytopénie grave [2 ]. mais il n’existe à notre connaissance aucun cas rapporté d’érythroblastopénie.
La majorité de la population est immunisée contre le PVB19. L’ADN de PVB19 peut persister pendant plusieurs années, et se retrouve donc fréquemment dans le sang des donneurs (jusqu’à 1/260 en pics épidémique saisonnier) [3 ]. Le risque d’infection PVB19 transmise par transfusion concerne principalement les patients immunodéficients, les femmes enceintes séronégatives et les patients séronégatifs à risque d’hémolyse (drépanocytose, thalassémie…). Le risque semble également être lié à de hauts taux d’ADN de PVB19 et une absence d’anticorps protecteurs chez le donneur.
Au Japon, le screening systématique des dons du sang pour le PVB19 a été introduit en 2008, avec un seuil de détection à 106,4 UI/mL. Il n’existe cependant aucun consensus concernant le seuil d’ADN de PVB19 tolérable [2 ]. La pharmacopée européenne a quant à elle rendu obligatoire la détection du PVB19 dans le plasma destiné à la fabrication des Ig anti-D et le plasma viro-atténué, avec un seuil fixé à 104 UI/mL [3 ]. Cependant, cette détection n’est pas généralisée aux autres produits sanguins.
Conclusion |
Le rapport d’autres cas tels que le nôtre pourrait ainsi aider à évaluer la pertinence du screening systématique pour le PVB19 dans les dons du sang, et le cas échéant à définir le seuil de virémie acceptable.
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Vol 39 - N° S2
P. A180-A181 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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