Behçet familial autosomique dominant et haploinsuffisance A20 : une famille française de trois cas d’une nouvelle mutation du gène TNF/AIP3 et une revue de la littérature - 06/06/18
Résumé |
Introduction |
La maladie de Behçet est une vascularite systémique atteignant les veines et artères de tous calibres. Les critères diagnostiques internationaux de la maladie de Behçet (ICBD) publiés en 2006 [1 ] ne rendent pas bien compte de la variété de ses présentations cliniques. Initialement décrite au sein de populations issues de l’ancienne route de la Soie reliant l’extrême Orient à la Méditerranée, elle est classiquement associée à la présence de l’antigène HLA B51. Des travaux publiés il y a plus de 30 ans ont suspecté au sein de certaines familles touchées précocement par la maladie de Behçet une transmission génétique mendélienne [2 , 3 ]. La première description de mutations sur le gène TNF/AIP3 codant pour la protéine A20 impliquée dans la voie du TNFα fut rapportée en 2016 par Zhou et al. Nous rapportons ici le cas d’une famille française dont au moins trois membres présentent une maladie de Behçet de début précoce associée à une nouvelle mutation du gène TNF/AIP3 ainsi qu’une revue de la littérature.
Observation |
Le cas index (P1) est celui d’une femme de 48 ans qui depuis ses six ans présente des pics fébriles récurrents à 40°C associés à une aphtose bipolaire. Les crises durent jusqu’à sept jours et sont plurimensuelles. S’y associent des arthralgies d’horaire mixte des hanches et des genoux avec boiterie (avec un épisode d’arthrite aiguë de genou), des rachialgies, une asthénie intense et des crises douloureuses abdominales diffuses (avec ulcérations du sigmoïde objectivées en endoscopie). Par ailleurs, la patiente a présenté plusieurs épisodes de fissures anales et deux épisodes de thrombose veineuse superficielle ainsi qu’une épisclérite aiguë bilatérale. La patiente a initialement été traitée par colchicine, permettant une amélioration partielle de ses symptômes. Les AINS et la corticothérapie sont restés sans effet. L’anakinra n’a été efficace que sur une courte période, motivant un relais par étanercept, modérément efficace à ce jour. Nous envisageons prochainement un relais par infliximab. Son fils aîné (P2) a développé dès l’âge de six ans des crises répétées similaires avec fièvre, douleurs abdominales, diarrhées, vomissements et aphtose unipolaire buccale récidivante puis une thyroïdite d’Hashimoto et un vitiligo. Sa fille (P3), est diagnostiquée Behçet dès 6 mois de vie devant une aphtose bipolaire et des troubles digestifs (douleurs abdominales, vomissements, diarrhées avec rectorragies). Elle présente les mêmes symptômes de poussées fébriles avec arthralgies des mains et des genoux, parfois des arthrites aiguës et des lésions de pseudo-folliculite. Elle est traitée par colchicine et mesalazine depuis sa première année de vie. L’antigène HLA B51 est absent au sein de la famille. Une analyse génétique à la recherche d’une mutation a retrouvé au sein du gène TNF/AIP3 le variant c.994G>T sur un seul allèle (génotype hétérozygote) entraînant la modification p.Glu332* au sein de la chaîne d’acides aminés de la protéine A20. Cette mutation présente chez la mère et ses deux enfants à l’état hétérozygote est en faveur d’une transmission autosomique dominante de la maladie.
Discussion |
A20 est une enzyme d’édition de l’ubiquitine ayant un effet inhibiteur puissant de la voie de signalisation de NF-κB par l’intermédiaire du TNFα. A20 inhibe également la production d’IL-1β via son action sur l’inflammasome NLPR3. Son déficit quantitatif en lien avec une mutation hétérozygote de TNF/AIP3 est associé à des tableaux de maladie de Behçet pédiatriques mais également à diverses pathologies auto-immunes. Le mode de transmission est autosomique dominant. À ce jour, seuls 28 autres cas d’HA20 (dont sept familles) ont été rapportés dans la littérature et 25 présentent les critères diagnostiques de la maladie de Behçet. On observe une distribution ubiquitaire, une inversion du sex-ratio avec une prédominance féminine et une survenue des premiers symptômes autour de huit ans (IQ : 1–11 ans). L’atteinte oculaire et la présence de l’HLA B51 sont peu retrouvées. Les poussées fébriles inflammatoires et les atteintes articulaires concernent la moitié des patients. L’atteinte digestive semble cardinale, touchant plus de 2/3 des cas avec des ulcérations souvent hémorragiques, parfois létales. La sensibilité à la colchicine est inconstante et les biothérapies anti-TNFα et anti-IL1 semblent être les traitements de choix dans les formes sévères.
Conclusion |
Nous décrivons la première famille française de trois membres atteints d’une maladie de Behçet de début précoce associée à une nouvelle mutation du gène TNF/AIP3 ainsi qu’une revue de la littérature. Cette pathologie de transmission autosomique dominante diffère de la maladie de Behçet classique tant sur la symptomatologie que sur la réponse aux traitements usuels.
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Vol 39 - N° S1
P. A70-A71 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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