Une nouvelle cause hématologique de surcharge martiale sévère - 06/06/18
Résumé |
Introduction |
Parmi les causes rares de surcharge martiale se trouvent certaines anémies hémolytiques constitutionnelles, dont le diagnostic précis peut rester longtemps incertain.
Observation |
Un homme né en 1961 consultait en médecine interne en 2007 (46 ans) pour asthénie, arthralgies et découverte d’une ferritinémie à 1600μg/L. Il était connu comme porteur d’une grosse rate depuis son service militaire et faisait des poussées d’ictère, tout comme son père et sa tante. Une hémolyse constitutionnelle avait été affirmée en 1987 (26 ans) mais n’avait pu être typée précisément. Le patient avait refusé la splénectomie alors proposée. La fille du patient, née en 2004, présentait également une anémie hémolytique, dont la nature précise n’avait pas été déterminée, ayant nécessité à 3 reprises des transfusions depuis sa naissance. Chez le patient, dont l’hémoglobine était à 120g/L, les réticulocytes à 200G/L, et la saturation de la transferrine à 54 %, une recherche génétique d’hémochromatose liée à HFE s’était avérée négative, mais l’IRM hépatique objectivait une surcharge martiale majeure, estimée à plus de 360μmol/g. Les hémochromatoses rares (acœruloplasminémie, mutations des gènes codant l’hémojuvéline, l’hepcidine, la transferrine, et la ferroportine) étaient éliminées après avis du centre de référence breton. La biopsie hépatique confirmait l’existence d’une hépatosidérose presque pure marquée, peu fibrosante (stade 4 de Searle-Schaeuer). Un mécanisme d’hyperabsorption intestinale de fer généré par la baisse de l’hepcidine induite par l’hyperhémolyse était retenu. Parallèlement, le diagnostic provisoirement retenu chez sa fille après une nouvelle ektacytométrie était celui de stomatocytose à cellules déshydratées (xérocytose). Des saignées étaient proposées au patient mais s’avéraient mal tolérées et étaient vite abandonnées. Le malade refusait un traitement chélateur du fer et était perdu de vue. Il était revu 3 ans plus tard (50 ans) à la suite de la découverte d’une ostéoporose après la survenue d’une fracture traumatique du fémur (T-score fémoral à −2,5, vertébral à −4). Il n’était pas retrouvé d’étiologie spécifique à cette ostéoporose, en dehors d’une discrète insuffisance androgénique. Une IRM cardiaque était réalisée, qui n’objectivait pas de surcharge martiale notable au niveau du myocarde. L’hémoglobine était à 125g/L, la ferritinémie à 1700μg/L, et la saturation de la transferrine à 90 %. Une nouvelle ektacytométrie ne permettait toujours pas d’élucider la nature de l’hémolyse constitutionnelle. Un traitement chélateur du fer était à nouveau refusé par le patient. C’est finalement la génétique moléculaire qui permettait, en 2017, d’identifier chez le propositus et sa fille une mutation dans l’exon 6 du gène KCNN4 (c.1055 G>A) à l’état hétérozygote codant le canal Gardos, associée à une forme récemment décrite de xérocytose.
Discussion |
Les stomatocytoses sont de rares anémies hémolytiques congénitales de transmission autosomique dominante, qu’on sait désormais secondaires à des anomalies des canaux ioniques membranaires induisant une hyperhydratation ou une déshydratation des hématies, dont l’aspect évocateur mais inconstant sur le frottis est celui de lèvres (stomatocytes). Elles sont réputées cliniquement par l’importance de la surcharge martiale, y compris au niveau cardiaque, alors que l’anémie est rarement sévère, et par le risque thromboembolique majeur après splénectomie. Un traitement chélateur du fer est indispensable. Deux canaux ioniques ont été impliqués dans cette pathologie : Piezo1 (canal cationique non spécifique activé par des forces mécaniques) et Gardos (canal potassique dépendant du Calcium). Une molécule testée dans la drépanocytose serait susceptible de corriger la dysfonction des canaux ioniques de la xérocytose liée aux mutations gain de fonction des gènes codant pour ces canaux ioniques, le senicapoc.
Conclusion |
Certaines anémies hémolytiques constitutionnelles peuvent se révéler par une surcharge martiale sévère plutôt que par l’hémolyse elle-même. La xérocytose en est un exemple typique, dont les causes moléculaires ont été récemment identifiées, même si les mécanismes responsables de l’importance de la surcharge martiale restent incertains. Pour le clinicien, il est important de rappeler que la splénectomie est contre indiquée dans cette pathologie.
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Vol 39 - N° S1
P. A130-A131 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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