Hypokaliémie et usage détourné de gouttes auriculaires - 10/05/18
Résumé |
Objectif |
L’usage détourné de médicaments peut induire des effets secondaires graves et inattendus. Nous rapportons un cas d’hypokaliémie induite par l’utilisation de gouttes auriculaires pour une indication non reconnue.
Description |
Une patiente de 84 ans était admise aux urgences après une syncope survenue à domicile. Elle avait des antécédents d’hypertension, d’hypothyroïdie et de sécheresse buccale. Le traitement habituel incluait nifédipine, aténolol, pantoprazole et L-thyroxine. Elle se plaignait d’une faiblesse musculaire des membres inférieurs apparues dans les dernières semaines et d’une perte d’appétit suite à des ulcères de la langue traités par une solution topique prescrite par le médecin généraliste. À l’admission, l’examen neurologique était normal, avec une TA de 200/90mm Hg, une FC de 90/min et une glycémie à 138mg/dL. L’ECG révélait de nombreuses extrasystoles ventriculaires et la patiente présentait rapidement un nouvel épisode syncopal associé à des torsades de pointe. La biologie sanguine montrait : potassium à 1,32mmol/L, sodium 149mmol/L, bicarbonate 47mmol/L, CK 9571UI/L, rénine 3,3μUI/L (3–40), aldostérone 1,5ng/dL (<14), cortisol 411nmol/L (70–280), potassium urinaire 23mmol/L, sodium urinaire 178mmol/L. La patiente niait toute consommation de réglisse et toute prise récente de laxatifs ou de diurétiques. La biologie sanguine était normale 5 mois avant cette admission. Le tableau biologique récent était cependant compatible avec un hyperaldostéronisme induit. L’appel au pharmacien nous apprenait que la patiente avait acheté 3 bouteilles de 10mL de Panotile® sur les 3 dernières semaines. Cette solution externe est habituellement destinée à traiter les otites externes (lidocaÏne 40mg/mL, néomycine 7500UI/mL, polymyxine B 10 000UI/mL et acétate de fludrocortisone 1mg/mL). La patiente l’utilisait pour traiter les ulcères de la langue et avait donc été exposée à une dose totale de 30mg de fludrocortisone. L’évolution était favorable sous traitement substitutif de potassium, la patiente développait un tableau de cardiomyopathie de type « takotsubo » en cours de séjour.
Discussion |
Les étiologies de pseudo-hyperaldostéronisme primaire ne sont pas fréquentes. Une cause classique est une consommation excessive de réglisse apportant de l’acide glycyrrhizique, ou une reprise cachée de diurétiques [1 ]. Dans le cas présent, l’usage détourné de gouttes auriculaires a conduit à une exposition à une dose significative de fludrocortisone absorbée par voie linguale [2 ].
Conclusion |
La fludrocortisone est absorbée par voie linguale et peut conduire à un tableau de pseudo-hyperaldostéronisme primaire avec hypokalémie sévère, torsades de pointe et rhabdomyolyse.
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Vol 30 - N° 2S
P. S76 - juin 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.