En chirurgie dermatologique, le nez est une zone où les contraintes anatomiques entraînent parfois des difficultés de reconstruction et de cicatrisation. Nous rapportons un cas d’une reconstruction originale après exérèse d’un carcinome basocellulaire volumineux de l’arête nasale.

Un homme de 50 ans, épileptique depuis l’enfance, consultait en dermatologie pour un œdème palpébral bilatéral majeur évoluant depuis quelques mois, associé à un blépharochalasis rendant quasiment impossible l’ouverture des yeux (surtout à gauche) et entraînant une baisse de l’acuité visuelle. Le bilan étiologique de l’œdème palpébral (biologie et biopsies multiples étagées, jusqu’au plan musculaire) était peu contributif : aucun nouveau traitement introduit, absence de substance amorphe ou de dépôts d’IgG4 à l’histologie, pas d’anomalie biologique, absence de cause locale identifiée ni tumorale ni infectieuse. À l’examen clinique, outre l’œdème palpébral bilatéral, on notait un volumineux carcinome basocellulaire ulcéré de l’arête nasale dont le patient ne se plaignait guère. Le test d’étirement cutané ne montrait pas une grande laxité des tissus adjacents, ce qui présageait une reconstruction délicate. Nous étions face à une problématique double, d’une part, un excès cutané invalidant au niveau palpébral, et d’autre part, une perte de substance post-chirurgicale importante au niveau nasal. Nous avons réalisé, dans le même temps chirurgical, une intervention originale qui consistait en :

– l’exérèse carcinologique du carcinome basocellulaire de l’arête nasale avec des marges de 6mm ;

– une blépharoplastie de la paupière supérieure gauche ;

– une reconstruction au niveau nasal par greffe cutanée de l’excès de paupière.

Sur le plan carcinologique, l’exérèse du carcinome basocellulaire a été complète. La reconstruction par greffe de paupière sur l’arête nasale a totalement pris, avec un résultat esthétique très satisfaisant au retrait des fils (Annexe A).

En chirurgie dermatologique, et particulièrement sur le visage, la reconstruction est primordiale. Dans cette observation, nous avons tiré parti de l’excès cutané palpébral pour reconstruire la perte de substance carcinologique au niveau nasal. Ainsi, en une intervention, nous avons réalisé deux gestes, ce qui a permis de diminuer le temps opératoire et donc le risque infectieux associé, avec un résultat fonctionnel et esthétique satisfaisant. En ce qui concerne l’œdème palpébral bilatéral majeur, au bilan étiologique négatif, nous avons conclu à une rosacée dans sa forme strictement œdémateuse ou maladie du Morbihan. Un traitement par cyclines a été débuté en complément de la blépharoplastie des paupières supérieures. Sur le plan fonctionnel, le bénéfice est réel : le patient a récupéré son acuité visuelle antérieure, l’ouverture palpébrale est facilitée et il n’y a pas eu de récidive de l’œdème palpébral avec un recul de 8 mois.