Carence en vitamine B12, metformine et inhibiteurs de pompe à protons - 23/11/17
Résumé |
Introduction |
Le dépistage de la carence en vitamine B12 (B12) a longtemps reposé sur le seul dosage sérique avec un seuil classique de 200ng/L. Néanmoins, ce seuil apparaît peu sensible pour détecter précocement la carence. Les experts ont donc proposé un dépistage de la carence en B12 à l’aide de 2 marqueurs : acide méthylmalonique (MMA) (plasmatique ou urinaire) et homocystéïne (plasmatique) (Hcyst). En les utilisant, nous avons observé une prévalence de 23,3 % de carence en B12 chez 490 patients hospitalisés en médecine interne dans un travail précédent. Cette méthodologie plus sensible permet de dépister des carences moins sévères, généralement non liées à la maladie de Biermer et dont l’étiologie pose parfois question. Nous avons, dans ce travail, exploré l’hypothèse d’un lien entre carence en vitamine B12, metformine et inhibiteur de pompes à protons (IPP).
Patients et méthodes |
Durant 15 semaines, les patients hospitalisés dans le service de médecine interne du CHU d’Angers et subissant un prélèvement sanguin ont eu une exploration de la carence en B12, sauf opposition après information éclairée (protocole MIB12). La carence était affirmée devant un taux sérique de B12 inférieur à 201ng/L, ou devant un taux entre 201 et 350ng/L si l’Hcyst était supérieure à 13μmol/L chez les femmes et 15μmol/L chez les hommes et/ou si le MMA urinaire était supérieur à 1,5μmol/mmol de créatininurie. Dans ce travail, seuls les patients bénéficiant d’un traitement par metformine ou IPP depuis plus d’un an ont été inclus. Les patients sous metformine ont été comparés à l’ensemble de la population du protocole MIB12 en analyse univariée (Khi2) et multivariée (régression logistique). Concernant les patients sous IPP, devant de multiples facteurs confondants entre prise d’IPP et étiologies de carences en B12, nous avons comparé les patients sous IPP à ceux ne prenant pas d’IPP de même sexe, de même âge (±3 ans), après exclusion des autres causes de carence en B12 et des rares patients sous anti-H2.
Résultats |
Parmi les 490 patients du protocole MIB12, d’âge médian de 67,5 ans [50–82], 114 (23,3 %) patients présentaient une carence en B12. Parmi la population totale, 26/490 (5,3 %) patients étaient traités depuis plus d’un an par metformine, dont 13 (50 %) présentent une carence en B12. L’utilisation de metformine seule représentait 11,4 % des étiologies de carence en B12. En analyse univariée, l’odd ratio (OR) de carence en B12 sous metformine est de 3,22 [IC95 % : 1,45–7,17] (p=0,003). En analyse multivariée (variables du modèle : âge, sexe, maladie de Biermer, résection iléale, végétalisme, gastrite à Helicobacter pylori et prise d’IPP), l’OR de carence en B12 sous metformine est de 3,15 [IC95 % : 1,35–7,37] (p=0,008). Nous avons extrait 84 patients sous IPP, sans autre étiologie potentielle de carence en B12, avec un âge médian de 76,5 ans [56,3–88] et les avons appariés à 84 patients ne prenant pas d’IPP, avec un âge médian de 76,5 ans [56–87]. Dans le groupe IPP, 19 (22,6 %) patients avaient une carence en B12 contre 8 (9,5 %) dans le groupe sans IPP (p=0,02) avec un OR de 2,78 [IC95 % : 1,14–6,76].
Discussion |
Une méta-analyse a estimé à 10,7 % la prévalence de la carence en B12 chez des patients diabétiques sous metformine (OR 2,45 [IC95 % : 1,74–3,44]). Néanmoins, les méthodologies des études sélectionnées étaient très hétérogènes [1 ]. À notre connaissance, une seule étude a évalué les marqueurs MMA et Hcyst chez ces patients, mais ses conclusions sont discordantes avec le reste de la littérature, évoquant un phénomène de transfert de la B12 sous metformine du sang vers les cellules, responsable de « fausses » carences. Cette hypothèse est basée sur le constat d’une B12 érythrocytaire élevée sous metformine mais, du fait de l’absence de mitochondries et donc de métabolisme du MMA dans les globules rouges, ces cellules semblent peu représentatives du métabolisme intracellulaire global de la B12. Concernant les IPP, les données sont plus ténues et les prospectives rares. Une étude rétrospective sur 210 155 patients issus du système de santé américain met en évidence un OR de carence en B12 sous IPP (>2 ans) de 1,65 [IC95 % : 1,58–1,73] avec un dépistage uniquement basé sur le taux sérique de B12 [2 ]. À notre connaissance, une seule autre étude a évalué l’impact des IPP au long cours sur la carence en B12, via l’Hcyst et le MMA, mais sa méthodologie ne permet pas de conclure [3 ].
Conclusion |
Dans cette étude prospective, nous démontrons qu’un traitement prolongé (>1 an) par metformine et IPP est associé significativement à la carence en B12, dépistée à l’aide des dosages de Hcyst et de MMA, chez des patients hospitalisés en médecine interne.
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Vol 38 - N° S2
P. A54-A55 - décembre 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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