Hypertrophie gingivale chez une patiente de 27 ans enceinte - 23/11/17
Résumé |
Introduction |
Les troubles de l’hémostase sont un motif fréquent de consultation en médecine interne.
Observation |
Une patiente de 27 ans, nullipare, enceinte de 17 semaines d’aménorrhée consultait le 03/03/2017 pour des épistaxis et des gingivorragies. Dans ses antécédents, nous retenions un syndrome du défilé costo-claviculaire bilatéral, deux fausses couches spontanées, l’absence de manifestations thrombo-emboliques ou hémorragiques, notamment lors de l’appendicectomie dans l’enfance. Ses antécédents familiaux étaient marqués par des embolies pulmonaires chez son père et son grand-père paternel. Elle ne prenait aucun traitement ou topique, son tabagisme sevré était estimé à cinq paquets-années. Elle vivait en couple, en formation d’un CAP petite enfance et suivait un régime sans fruits ni légumes, limité aux chaînes de fast-food.
Le poids était de 55kg pour un IMC de 19,3kg/m2, normal. L’examen retrouvait isolément des ecchymoses prurigineuses des membres inférieurs et une hypertrophie gingivale. Il n’y avait pas d’atteinte des plis ou des phanères (pas de poils en « queue de cochons ») ou de trouble digestif.
La numération formule sanguine était normale, sans thrombopénie (plaquettes 178 G/L). Le temps de prothrombine était de 100 % et le temps de céphaline activée de 1,0 fois le témoin. L’électrophorèse de l’hémoglobine, le bilan hépatique, la fonction rénale et l’ionogramme sanguin étaient normaux, y compris le bilan phosphocalcique et la magnésémie. La T.S.H. ultrasensible, la glycémie et la ferritinémie étaient normales. La recherche de thrombophilie était négative (recherche d’anticoagulant circulant, anticoagulant lupique, anticorps anti bêta2-glycoprotéine1, anti-cardiolipine, facteur Willebrand et facteur VIII). Les sérologies toxoplasmose, syphilis, hépatite C et V.I.H. étaient négatives, hépatite B non vaccinale. Le bilan mettait en évidence une carence en vitamine B9 (2,7ng/mL, Nle 4,8–37,3) sans carence en vitamine B12 (244pg/mL) assortie d’une carence profonde en vitamine C (inférieure à 3μmol/L, Nle 26–85), confirmée sur deux dosages à deux jours d’intervalle, devant les risques d’erreur pré-analytiques.
Une supplémentation vitaminique était introduite (acide ascorbique 1g par jour et acide folique 10mg par jour). La patiente, peu observante, était perdue de vue. Les manifestations cliniques s’amendaient sous traitement avec correction partielle du taux de vitamine C, 11μmol/L à 29 semaines d’aménorrhée et 2jours, le 2 juin 2017. La grossesse a pu être conduite à terme, accouchement le 28/08/2017 à 41 semaines d’aménorrhée et 5jours, sans retentissement fœtal du scorbut ou de la carence en folates.
Discussion |
Le scorbut a longtemps été considéré comme une maladie d’un autre temps, décrite par Hippocrate, puis devenue la maladie des navigateurs entre le XVe et le XVIIIe siècle. Elle est actuellement fréquente dans des populations identifiées à risque : par diminution des apports (hommes seuls, sujets âgés ou sans domicile fixe, consommation de tabac et d’alcool, troubles psychiatriques, maladies cachectisantes, régimes alimentaires déséquilibrés, alimentation parentérale non supplémentée), par augmentation du métabolisme (fumeurs, diabétiques, hémodialyse et dialyse péritonéale), par malabsorption (maladie de Crohn, Whipple ou maladie cœliaque) ou par augmentation des besoins (surcharges martiales, grossesse, allaitement, croissance). L’apport de vitamine C étant exclusivement exogène, son apport par l’alimentation est primordial, essentiellement de fruits et de légumes frais. Nous illustrons le cas d’une hypertrophie gingivale chez une jeune patiente dont le régime alimentaire est à l’origine d’un scorbut démasqué à l’occasion d’une grossesse.
Conclusion |
Le scorbut est une maladie réémergente, particulièrement fréquente dans des populations identifiées à risque, notamment les « fast-fooders ». Ses manifestations cliniques étant polymorphes, il faut l’évoquer devant l’association de troubles de l’hémostase et de manifestations cutanéomuqueuses. Son traitement est très simple et les symptômes sont totalement réversibles avec la supplémentation vitaminique.
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Vol 38 - N° S2
P. A230-A231 - décembre 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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