Kératomycose : aspects cliniques, démarche diagnostique et thérapeutique. À propos de 43 cas. - 08/03/08
M Derbel,
Z Ben Zina,
Wassim (Sfax, Tunisie) Mhiri,
K (Paris) Zouari,
I Ammous,
F Chaabouni,
A Ayadi,
J (Sfax, Tunisie) Feki
But. La kératomycose est une kératite fongique de diagnostic difficile et de traitement astreignant rendant le pronostic visuel réservé, pouvant entrainer la cécité. Le but de notre travail est de déterminer la fréquence, la gravité de cette affection, de discuter les conduites diagnostiques et les différentes modalités thérapeutiques.
Matériel et Méthode. Il s'agit d'une étude prospective à propos de 43 cas de kératites fongiques colligés parmis 166 abcès de cornée sévères hospitalisés au service d'ophtalmologie du CHU de Sfax sur une période de 6 ans allant de juillet 1995 à juin 2001. Tous les patients ont bénéficié d'un examen ophtalmologique précisant essentiellement le siège, l'étendu et la profondeur de l'ulcère cornéen. Un prélèvement mycologique, bactériologique et parasitologique a été pratiqué le jour même de l'admission. Le diagnostic d'une kératomycose était suspecté cliniquement selon les données de l'interrogatoire: métier exposant, évolution torpide sous traitement antibiotique et antiviral et selon les données biomicroscopiques: ulcère cornéen avec infiltrat stromal. Était considérée comme kératomycose avérée, toute kératite avec un prélèvement mycologique positif à l'examen direct et/ou aprés culture. De ce fait, tous les 43 cas de kératomycoses ont bénéficié d'un traitement antifongique local, préparé par le pharmacien de l'hôpital, à partir d'antifongique à visée générale. À défaut de ketoconazole, nous avons utilisé pour les 4 premiers cas, de l'amphotéricine B en collyre préparé à partir de la forme injectable, pour les 35 autres patients, nous avons utilisé le collyre ketoconazole préparé à partir de la forme orale. Deux patients avec kératomycose avérée n'ont eu aucun traitement antimycosique et ceci à cause de l'évolution spontanément favorable. Un traitement local antibiotique et cycloplégique a été systématiquement associé. On a eu recours à une kératoplastie transfixante à chaud dans 5 cas devant une complication et un seul cas à froid dans un but optique. Dans 3 cas, l'évolution était défavorable malgré toute thérapeutique, ce qui a imposé l'éviscération. La surveillance était basée sur un examen biomicroscopique quotidien jusqu'à la cicatrisation cornéenne.
Résultats. Nous avons recencé 43 cas soit 24 % de kératomycose parmis les 166 cas de kératites infectieuses des patients hospitalisés. L'âge moyen de ces malades était de 43.5 ans, avec des extrêmes allant de 5 à 82 ans. Nous avons trouvé 23 patients de sexe masculin et 20 de sexe féminin. Des facteurs favorisants ont été retrouvés: la notion de traumatisme dans 60 % des cas, de corticoïdes locaux dans 42.5 %, d'antibiotiques locaux dans tous les cas, de lentille de contact souple dans un cas. L'examen mycologique a permis de mettre en évidence 26 cas de prélèvements positifs aprés examen direct et 34 cas aprés culture. Dans 9 cas, le prélèvement mycologique s'est révélée négatif, mais le diagnostic de kératomycose a été retenu devant la forte suspission clinique et l'évolution favorable sous antifongiques locaux. L'évolution sous traitement a été favorable dans la majorité des cas au prix de quelques opacités cornéennes séquellaires retentissant sur l'acuité visuelle finale. On a noté une amélioration de l'acuité visuelle finale dans 24 cas par rapport à l'acuité initiale et ceci d'autant plus que le traitement et le délai de consultation étaient brefs. Dans 2 cas de kératomycose à Alternaria, l'évolution était spontanément favorable sans traitement antifongique.
Le recul variait de 1 à 30 mois. Le recul moyen était de 9 mois. Aucune récidive n'a été observée sous traitement antifongique et après cicatrisation totale.
Commentaire et Conclusions. La kératomycose est affection grave dont la fréquence est encore sous estimée, nécessitant une prise en charge diagnostique et thérapeutique précoce, qui seules peuvent améliorer le pronostic visuel de ces patients.
Plan
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Vol 25 - N° 5
P. 103-104 - avril 2002 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.