La reconstruction des enveloppes psychiques et environnementales dans les dessins d’enfants des rues en Haïti : une étude post-séisme - 24/01/17
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Résumé |
Objectifs |
L’objectif de cet article est de montrer comment les enfants et les adolescents vivant dans la rue en Haïti, après le tremblement de terre de janvier 2010, investissent la rue comme un espace pour reconstruire leur identité. À travers des dessins d’enfants et d’adolescents rencontrés dans le cadre d’une recherche sur la résilience et le processus créateur des enfants et adolescents victimes du tremblement de terre (ANR-10-HAIT-002 RECREAHVI), nous nous sommes intéressés à l’étude des difficultés, du traumatisme et de l’expression créative de ces enfants dans un contexte post-séisme. Ces enfants se sont trouvés particulièrement fragilisés, tant au niveau social, qu’au niveau de leur santé mentale et de leur sécurité. Mis à l’épreuve des enveloppes environnementales incertaines, mouvantes, effractées, les enfants des rues sont affectés, touchés dans leurs propres enveloppes psychiques. Cet article vise à analyser les dessins des enfants et des adolescents de la rue. Nous nous concentrons en particulier sur les caractéristiques des enveloppes graphiques pour comprendre comment ces jeunes symbolisent les effractions des enveloppes environnementales et psychiques, et comment ils expriment leurs besoins de reconstruction.
Méthode |
L’étude a été menée à Port-au-Prince, en Haïti, un an après le tremblement de terre. Le dispositif méthodologique a consisté en une série d’ateliers de dessins, menés avec 45 enfants et adolescents âgés entre 10 et 18 ans, rencontrés dans trois établissements différents : un centre d’éducation populaire et deux foyers. Dans chaque établissement, les ateliers ont été organisés trois fois par semaine sur une période de trois semaines. La participation dans les ateliers a été libre et volontaire. La consigné a été le dessin libre, et ont été mis à disposition des enfants et des adolescents des feuilles blanches et des crayons. Les séances de 1 h 30 ont été animées par une étudiante en psychologie et une animatrice. Environ 680 dessins ont été recueillis à partir de ces ateliers, qui ont mis en évidence divers thèmes. Pour la présente étude, l’analyse a porté sur 270 dessins choisis au hasard dans les trois institutions. Pour les travaux d’analyse sur les enveloppes environnementales et psychiques, nous avons effectué une classification selon trois types de contenant (1) contenants/enveloppes fixes (maisons ou autres bâtiments), (2) contenants/enveloppes mobiles (moyens de transport) et (3) contenants humains (personnes ou groupe de personnes).
Résultats |
L’analyse des dessins à travers les différents contenants graphiques a montré des enveloppes psychiques fragiles marquées notamment par le traumatisme du tremblement de terre. Ces fragilités sont liées à un traumatisme passé de ces jeunes. L’analyse a également montré que les enveloppes environnementales externes détruites dans le tremblement de terre (maison, école, église, association, etc.) sont caractérisées par la désorganisation, la discontinuité et l’insécurité internes. Les dessins montrent des tentatives d’expression, et une organisation psychique caractérisée par la mobilité, pour survivre psychiquement et tenir face à/avec l’instabilité interne et externe.
Discussion |
Pour ces jeunes, l’environnement-rue tel qu’il est investi et vécu est une représentation de l’espace psychique et en particulier de la façon dont ils vivent leur corps. Leur situation était déjà marquée, bien avant le tremblement de terre par des blessures qui ont refait surface. En effet, la plupart des enfants de la rue ont subi d’autres traumatismes, de la violence familiale, et étaient souvent des victimes ou des acteurs d’une violence urbaine. Nous remarquons que ces jeunes sont à la recherche d’un soutien stable, en dépit de leur méfiance à l’égard de l’environnement. Toutefois, le groupe et le symbolisme de la maison dans les dessins semblent être les éléments les plus sollicités. Nous notons également l’importance des effets thérapeutiques secondaires des ateliers de dessin, en particulier concernant les possibilités cathartiques et d’élaboration du traumatisme dans le groupe, avec l’étayage sur le dessin comme support et comme un espace de jeu et de créativité.
Conclusion |
Les fragilités se dessinent dans l’intrication des traumatismes familiaux, des vécus de précarité psychique et sociale antérieurs, avec le traumatisme collectif causé par le tremblement de terre de 2010. L’étude montre la nécessité de concevoir des dispositifs de conseil et d’éducation pour développer les potentiels et les possibilités d’établir des relations stables avec l’environnement.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Abstract |
Objectives |
The objective of this paper is to show how children and adolescents, living in the street in Haïti after the 2010 earthquake, use the street as a space to rebuild their identity. Using drawings of children and adolescents encountered in the context of research on resilience and the creative process among child and adolescent victims of the earthquake (ANR-10-HAIT-002 RECREAHVI), we explored the difficulties, the trauma and the creative expression of these children in the aftermath of the earthquake. These young people found themselves in a particularly vulnerable situation, whether socially, psychologically, or in terms of their safety. Their environmental envelopes were uncertain, fluctuating or damaged, so that the psychic envelopes of these street children was also put to the test. This article concerns the analysis of the drawings of street children and adolescents. We focus on the characteristics of the graphic envelopes to understand how these young street-dwellers symbolize the damage to their environmental and psychic envelopes, and how they express their needs for reconstruction.
Method |
The study was conducted in Port-au-Prince, Haiti, one year after the earthquake. The methodological approach entailed a series of drawing workshops conducted with 45 children and adolescents aged 10–18 years encountered in three different institutions: a public education center and two shelters. In each establishment, the workshops were held three times a week over a period of three weeks. Participation in the workshops was voluntary and the children and adolescents were instructed to draw freely. Blank sheets and pencils were made available to them. The sessions of 1 h 30 were led by a student in psychology and a facilitator. A total of 680 drawings were collected from these workshops, highlighting various issues and themes. For this article, the analytical work on psychic and environmental envelopes concerned 270 drawings randomly selected in the three institutions. We conducted a classification according to three types of envelope (1) fixed containers/envelopes (houses or other buildings), (2) mobile containers/envelopes (means of transport) and (3) human containers (persons or groups of persons).
Results |
Analysis of the drawings across the different graphic envelopes showed fragile psychic envelopes and a pervasiveness of the trauma of the earthquake. The fragilities are also linked with past trauma in these young people. The analysis also showed that external environmental envelopes that were destroyed in the earthquake (house, school, church, club, etc.) were characterized by internal disorganization, discontinuity and insecurity. The drawings show attempts to express, and a psychic organization characterized by mobility, so as to survive, and to face up to the internal and external instability.
Discussion |
For these young street-dwellers, the street-environment, as it is assumed and experienced, is a representation of their psychic space and in particular the way they experience their bodies. Their situation was already fraught with trauma, well before the earthquake reactivated the trauma. Indeed, most street children have experienced other trauma or domestic abuse, and have often been either the victims or the instigators of urban violence. We observed that these young people are looking for stable support, despite their distrust of their environment. However, the group, and the symbolization of the house or home in drawings, appear as the predominant elements. We also note the importance of the secondary therapeutic effects of the drawing workshops, especially the cathartic benefits and the scope for elaboration of trauma in the group, with the support of drawing as a space for play and creativity.
Conclusion |
The vulnerabilities of these young people deploy in an interweaving of family traumas, earlier experiences of psychic and social precariousness, and the collective trauma caused by the earthquake in 2010. The study shows the need to design counseling and educational facilities to develop their potential and help them build stable relationships with their environment.
Le texte complet de cet article est disponible en PDF.Mots clés : Séisme, Traumatisme psychique, Enfants des rues, Adolescent, Dessin, Enveloppe psychique, Haïti
Keywords : Earthquake, Trauma, Street children, Adolescent, Drawing, Psychic Envelope, Haiti
Plan
☆ | Toute référence à cet article doit porter mention : Karray A, Derivois D, Brolles L, Wexler Buzaglo I. La reconstruction des enveloppes psychiques et environnementales dans les dessins d’enfants des rues en Haïti : une étude post-séisme. Evol psychiatr XXXX ; vol (no) : pages (pour la version papier) ou URL [date de consultation] (pour la version électronique). |
Vol 82 - N° 1
P. 89-103 - janvier 2017 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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