Le rôle des infirmières est primordial dans la prise en charge des patients en oncologie dermatologique. Peu d’articles dans la littérature française s’intéressent au vécu des infirmières dans ce domaine. L’objectif de cette étude était d’explorer les perceptions et expériences des infirmières dans le domaine de l’oncologie dermatologique.

Cette étude était qualitative, monocentrique, incluant des infirmières du service de dermatologie du CHU de Caen. Les données verbales recueillies par le biais de focus group et d’entretiens individuels ont fait l’objet d’une analyse thématique à l’aide du logiciel NVivo.

Quatorze infirmières ont été incluses. Nos résultats s’organisent autour de quatre thèmes : (i) l’infirmière en tant que témoin privilégié des soins, avec ce que les infirmières observent et pensent de la prise en charge des patients, de la relation du patient avec ses proches ou encore de la relation médecin–patient, (ii) l’infirmière en tant qu’actrice des soins dans ses rôles de soutien au patient et à ses proches et de technicienne des soins médicaux, (iii) une coloration émotionnelle de l’infirmière confrontée aux angoisses et à la solitude du patient, mais également aux siennes, et enfin (iv) le vécu spécifique au cancer cutané faisant appel aux sens des infirmières.

Nos résultats nous permettent de mettre en tension les positions individuelles et professionnelles des infirmières. Au-delà des enjeux groupaux portés par ce corps de métier, émerge une détresse individuelle qui se révèle quand l’infirmière se retrouve seule confrontée à la détresse et aux angoisses des patients. La nuit devient alors paradigmatique de cette solitude et de cette vulnérabilité. De même, nos résultats retrouvent un hiatus important entre le rôle que les infirmières voudraient tenir et celui qu’elles se retrouvent à avoir ; les nouvelles modalités d’hospitalisation, des durées d’hospitalisation de plus en plus courtes et les avancées thérapeutiques dans le champ de la cancérologie leur apparaissent comme des entraves à la mise en place d’une relation d’aide avec le patient.

Cette étude qualitative ancrée dans un nouveau champ de recherche a permis d’appréhender différemment la prise en charge du patient, dans sa globalité. Elle a également permis une meilleure compréhension de l’expérience subjective des infirmières dans le domaine de la cancérologie dermatologique, qu’il faut prendre en compte pour optimiser la relation soignante à ces patients. La mise en place de groupe de parole impliquant l’équipe médicale et les infirmières permet un apaisement de leur vécu et un meilleur ajustement de leur position vis-à-vis de ces patients.