Déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides, un déficit immunitaire humoral à ne pas méconnaître en cas d’infections graves à germes encapsulés : à propos de cinq observations - 26/05/16
Résumé |
Introduction |
Le déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides est défini par une altération de la réponse humorale aux antigènes polysaccharidiques, évaluée par la vaccination contre S. pneumoniae ou un autre vaccin polysaccharidique. Selon les critères du registre de l’European Society for Immunodeficiencies (ESID), le diagnostic de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides n’est retenu qu’en cas de taux normaux des immunoglobulines (Ig) G, A, M et des sous-classes d’IgG, et après exclusion d’un possible déficit cellulaire T. Le déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides se traduit dans la très grande majorité des cas par des infections ORL ou bronchopulmonaires récurrentes. Nous rapportons 5 observations de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides diagnostiqué dans un contexte d’infections graves et/ou récurrentes chez des patients adultes.
Patients et méthodes |
Les cinq patients ont été adressés en consultation d’immunologie clinique pour avis sur un éventuel déficit immunitaire. Les explorations du complément, les taux d’IgG, IgA, IgM et de sous-classes d’IgG, les numérations lymphocytaire B et T, les réponses vaccinales aux antigènes peptidiques (anatoxine tétanique ou vaccin conjugué anti-Haemophilus influenzae de sérotype b) étaient normaux. La réponse vaccinale aux antigènes polysaccharidiques capsulaires du pneumocoque était évaluée en comparant les taux d’anticorps anti-polysaccharides avant et 4 à 8 semaines après vaccination par Pneumo23®, par deux approches : une « réponse globale » vis-à-vis des 23 sérotypes évaluée par le kit Vacczyme PCP IgG® (The Binding Site®), et une « réponse individuelle » sur 7 des 23 sérotypes par le test Elisa de référence « OMS », avec interprétation de l’évolution des taux d’anticorps selon les recommandations en vigueur (Orange et al. JACI 2012).
Résultats |
La patiente n°1 n’avait aucun antécédent infectieux notable lorsqu’elle a été atteinte à 60ans d’une méningoccocémie C (fièvre, polyarthralgies, rash). Le patient n°2 a été atteint à 17ans, d’un choc septique à Haemophilus influenzae à point de départ pulmonaire, sans autre antécédent infectieux notable. Les patientes n°3 et n°4, âgées de 33 et 35 ans, ont été hospitalisées à de nombreuses reprises depuis 3 et 4ans pour des pneumopathies franches lobaires aiguës graves (pleurésies associées, hypoxémies, voire sepsis sévère). La patiente n°3 était suivie pour un syndrome de Gougerot-Sjögren et une polyarthrite rhumatoïde sévère non traitée en raison des épisodes infectieux. Le patient n°5, âgé de 22ans, a été atteint d’une pneumopathie franche lobaire aiguë à 17ans et souffrait depuis l’enfance de bronchites, d’otites moyennes aiguës, et de sinusites mucopurulentes qui persistaient malgré une ethmoïdectomie. Le scanner thoracique a objectivé une dilatation des bronches au diagnostic de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides. Le défaut de réponse vaccinale post-Pneumo23 était établi sur une réponse globale faible mais des réponses individuelles insuffisantes sur au moins 4 des 7 sérotypes évalués sur le test de référence « OMS » (patients 1, 4, 5), ou une réponse globale inchangée après vaccination (patients 2 et 3, contrôles sur le test de référence en cours). Les patients 2, 3 et 5 avaient des taux de lymphocytes B mémoires convertis CD19+CD27+IgM-IgD– inférieurs à la normale (valeurs normales : 6,5 à 29,1 % des lymphocytes B CD19+ circulants). Les patients 1 et 2 ont bénéficié d’une prise en charge par vaccins conjugués et ont reçu la consigne de consulter leur médecin traitant au moindre doute sur des signes infectieux. Les patients 3 à 5 sont substitués par Ig polyvalentes depuis 3, 8 et 12 mois, respectivement : à ce jour, aucun n’a présenté de nouvel épisode infectieux.
Discussion |
Notre série décrit deux cas de déficit isolé en anticorps spécifiques antipolysaccharides après des infections invasives isolées, et trois cas dans un contexte d’infections graves récurrentes : pour ces derniers, le bilan immunologique apparemment « normal » explique le retard diagnostic malgré l’ancienneté et la sévérité des infections. L’évaluation de la réponse vaccinale doit être programmée idéalement à distance de l’épisode infectieux et dans un délai de 4 à 8 semaines pour être interprétable.
Conclusion |
En cas de bilan immunologique de première intention (Ig, sous-classes d’IgG, complément) apparemment normal face à des infections bactériennes ORL, broncho-pulmonaires voire des infections invasives à germe encapsulé, le bilan doit être complété par une étude des réponses vaccinales vis-à-vis des antigènes polysaccharidiques.
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Vol 37 - N° S1
P. A43-A44 - juin 2016 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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