La nature et les conséquences cérébrales et neurologiques exactes de la blessure à la tête de Guillaume Apollinaire le 17 mars 1916 sur le front de Champagne sont restées peu claires. Pourtant, contemporains et biographes sont unanimes à considérer cet événement comme une cassure majeure dans la vie du poète, où sa personnalité et son comportement furent considérablement changés. Ses relations affectives se modifièrent, l'exemple le plus marquant étant son rapide désintérêt pour sa fiancée Madeleine, à qui il écrivait auparavant presque tous les jours des lettres enflammées. L'étude des lettres d'Apollinaire, des quelques rapports médicaux et de ses proches, ainsi que de son casque portant l'impact d'un éclat d'obus permettent de mieux comprendre quelle fut l'atteinte cérébrale d'Apollinaire et ses conséquences neurocomportementales. Alors que le diagnostic d'« abcès intracrânien » fut initialement avancé, la symptomatologie, les manifestations, l'intervalle libre, l'absence d'aspect infectieux, et la résolution rapide de l'atteinte hémiparétique et épileptique après trépanation évoquent bien davantage un hématome sous-dural chronique temporal droit. L'irritabilité, la susceptibilité, l'intolérance émotionnelle, l'émoussement affectif et l'anxiété associés au changement de personnalité cadrent parfaitement avec une dysfonction de la région latérale du lobe temporal droit, avec épargne notable des régions temporo-mésiale, pariétale et frontale expliquant l'absence de trouble cognitif, exécutif et mnésique significatif, et sans perturbation notable de l'oeuvre créatrice du poète et chroniqueur d'art. Cette dissociation cognitivo-affective secondaire à l'atteinte temporale droite post-traumatique isolée permet de mieux définir le « mal profond » d'Apollinaire durant les deux ans et demi qu'il vécut avant d'être terrassé par la grippe espagnole.

The nature and the neurological consequences of the shell wound to the head of the famous French poet Guillaume Apollinaire, on March 17, 1916, during World War I, remain unclear. However, his contemporaries and biographers have been unanimous to state that this event was a major shift in his life. His personality and behavior changed dramatically, and his affective relationships were deeply modified, the most significant example being his rapid disinterest for his fiancée Madeleine, to whom he had written passionate letters nearly every day before the trauma. The study of Apollinaire's letters, scarce medical reports, available memories from friends, and Apollinaire's helmet allow to understand better what brain lesion he had and why neurobehavioral dysfunction developed. While an “intracranial abcess” had been emphasized initially, clinical manifestations, free interval, no infectious problem, and quick resolution of hemiparesis and seizures after a burr hole was performed strongly suggest a chronic subdural hematoma in the right temporal region. Irritability, susceptibility, emotional intolerance, affect flattening, anxiety, and personality change fit perfectly with right temporal lobe dysfunction involving the lateral-basal area. Sparing of mesial-temporal, parietal, and frontal regions explained the absence of significant memory, cognitive, and executive impairment, without disturbed creative skills as a poet and art writer. This cognitive-affective dissociation secondary to isolated right temporal post-traumatic lesion allows to delineate the “deep sorrow” of Apollinaire during the two and a half years before he died from Spanish influenza in 1918.