Une otite moyenne aiguë sous anti-inflammatoires - 22/11/15
Résumé |
Introduction |
La thrombophlébite cérébrale septique (TCS) otogène est une complication rare mais redoutable de l’oto-mastoïdite aiguë infectieuse. L’avènement des antibiotiques a largement contribué à la diminution de son incidence, toutefois, le clinicien doit rester vigilant vis-à-vis de cette complication grave et difficile à diagnostiquer. Nous illustrons un cas de TCS otogène favorisée par un traitement mal conduit.
Observation |
Un jeune patient de 23ans, présente depuis 10jours des symptômes de sinusite, pharyngite et d’otite moyenne aiguë droite, associés à des céphalées dans un contexte fébrile. Le traitement initié comprend un AINS puis à j4, une corticothérapie (SOLUPRED 60mg), sous couverture antibiotique probabiliste par Pyostacine. À j7, les céphalées fébriles persistent, et apparaissent une phono-photophobie et des signes d’hypertension intra-crânienne. À j8, devant l’altération de l’état général et des céphalées fébriles intenses, le patient est pris en charge aux urgences. Cliniquement, il présente des signes de focalisation (hémianopsie latérale homonyme gauche) sans autre déficit. Une antalgie et des anti-émétique sont administrés. Une TDM cérébrale avec injection illustre un hématome occipital droit de 3×7×6cm, non récent, avec œdème périlésionnel sans effet de masse. L’injection de produit de contraste iodé permet la visualisation d’un saignement actif sans prise de contraste de la lésion. Le patient est transféré en neurochirurgie mais parallèlement, son état neurologique se dégrade avec anisocorie ; du Mannitol est débuté. Une IRM est réalisée révélant une TCS du sinus latéral droit étendue au sinus sphénoïdal et à la veine jugulaire interne droite, compliquée d’un hématome lobaire occipital droit. Sur le plan biologique, il existe un syndrome inflammatoire et une méningite purulente avec hyperproteinorachie, hypoglycorachie et hyperlactatémie. L’examen direct et la culture du LCR sont négatifs, de même que les recherches des S. pneumoniae, N. meningitidis, H. influenzae type B et que le reste du bilan infectieux (antigénurie légionelle et pneumocoque, hémocultures, ECBU). Les bilans de thrombophilie et immunologique sont également négatifs. Le scanner cervico-facial injecté illustre des opacités mastoïdiennes de l’oreille droite. Le scanner TAP est normal. La prise en charge comprend une antibiothérapie probabiliste, une prophylaxie anti-épileptique, une anticoagulation curative par héparine et une mastoidectomie. L’évolution est progressivement favorable en 4jours, et le scanner à j10 montre une minime augmentation de l’hématome temporo-occipital droit sans ressaignement.
Discussion |
Dans la grande majorité des cas, les TCS résultent d’un processus infectieux locorégional ou d’un processus tumoral de la sphère ORL [2 , 1 ]. Parmi les causes infectieuses, l’origine otogène a été retrouvée dans moins de 1 % des cas de TCS et concerne préférentiellement la population pédiatrique [2 , 1 ]. Les formes septiques otogènes compliquent un échec antibiotique de l’otite moyenne aiguë (spectre, dosage, compliance), ou un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien ou une corticothérapie.
En dehors du tableau typique de TCS du sinus caverneux (chémosis conjonctival, paralysie oculomotrice œdème papillaire), le diagnostic est parfois difficile devant un syndrome méningé isolé, ou des troubles de la conscience et des formes subaiguës avec céphalées et fièvre traînante, une symptomatologie de sinusite ou d’otite. Le scanner cérébral est souvent réalisé en première intention. Il doit comporter une analyse en fenêtre parenchymateuse après injection de produit de contraste et une analyse en fenêtre osseuse. L’IRM est devenue l’examen de référence dans la pathologie thrombotique veineuse cérébrale, mais n’apporte pas de bénéfice évident par rapport à l’angioscanner pour l’étude du sinus caverneux. La place de l’héparinothérapie reste discutée, elle diminuerait seulement le nombre de complications (extension du thrombus), sans diminuer le taux de mortalité, mais pourrait favoriser l’embolie septique, voire l’hémorragie cérébrale mortelles [2 ]. La durée de l’anticoagulation est non consensuelle, et repose sur une concertation neuro-chirurgicale.
Conclusion |
La prescription d’anti-inflammatoires, dans les pathologies infectieuses ORL expose à la survenue d’infections extensives avec complications thrombo-septiques cérébrales. La thrombophlébite cérébrale septique est rare et parfois difficile à diagnostiquer. Les techniques de neuro-imagerie non invasives, réalisées en urgence offrent une analyse anatomique locorégionale précise, confirment le diagnostic de mastoïdite, et dépistent les complications intra-crâniennes associées, telles l’hématome intra-parenchymateux.
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Vol 36 - N° S2
P. A202 - décembre 2015 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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