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Dermohypodermite nécrosante d’évolution défavorable sous antibiotiques : un nouveau cas documenté de loxoscélisme cutané - 22/11/15

Doi : 10.1016/j.revmed.2015.10.170 
E. Rubenstein 1, , P.E. Stoebner 2, C. Herlin 3, C. Lechiche 1, C. Rollard 4, D. Laureillard 1, A. Sotto 1
1 Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU Carémeau, Nîmes 
2 Service de dermatologie, CHU Carémeau, Nîmes 
3 Service de chirurgie réparatrice, plaies et cicatrisation, CHU Lapeyronie, Montpellier 
4 Muséum d’histoire naturelle, département systématique et évolution, CNRS, Paris 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Le loxoscélisme est une envenimation par morsure d’araignée du genre Loxosceles, dont les manifestations peuvent être strictement cutanées, ou bien systémiques et parfois létales [1]. Commun sur le continent américain, il est méconnu en Europe, malgré une incidence croissante notamment sur le pourtour méditerranéen [2].

Observation

Une femme de 36ans, sans antécédent, habitant dans une zone semi-rurale du sud de la France, ressent en début de matinée une lésion douloureuse de la face interne de la cuisse gauche, avec un érythème limité et un prurit. Dans la journée, elle constate une extension de l’érythème avec une sensation de brûlure d’intensité croissante et des frissons. Malgré l’introduction par son médecin traitant d’une antibiothérapie par pristinamycine, elle consulte aux urgences le soir même devant l’intensité de la douleur. Elle a alors une fébricule à 38°C, et un érythème induré centré par une vésicule de petite taille. Un diagnostic de dermohypodermite est évoqué, et la patiente retourne à son domicile. Elle est adressée à la consultation d’infectiologie le lendemain où il est constaté une lésion devenue ecchymotique avec un diamètre de 8 à 10cm et un contour irrégulier, entourée d’un halo pâle et d’un œdème érythémateux induré de l’ensemble de la cuisse. S’y associent une adénopathie inguinale inflammatoire homolatérale et un exanthème scarlatiniforme généralisé. Il existe un syndrome inflammatoire biologique isolé et les hémocultures restent stériles. La tomodensitométrie montre une infiltration sous-cutanée de la cuisse gauche sans signe d’abcès. La patiente est hospitalisée et mise sous antibiothérapie intraveineuse par amoxicilline–acide clavulanique et clindamycine. À 72heures de traitement, des zones nécrotiques apparaissent au sein de la lésion ecchymotique, la vésicule centrale devient hémorragique, et l’érythème est majoré. Le caractère hyperalgique de l’atteinte nécessite une antalgie par morphiniques. Après avis dermatologique, l’hypothèse de loxoscélisme cutané est évoquée. Effectivement, en reprenant l’interrogatoire, la patiente se souvient avoir tué une araignée alors qu’elle s’habillait dans sa salle de bains, le matin de l’apparition de la lésion. Retrouvée par sa famille, l’araignée est envoyée au Muséum d’histoire naturelle de Paris et identifiée comme appartenant à l’espèce Lrufescens. Après un traitement symptomatique, et une poursuite de l’antibiothérapie pendant 10jours, la patiente est réévaluée à 3semaines. La lésion prend alors la forme d’un ulcère recouvert par une plaque nécrotique bien limitée, avec une disparition de l’érythème. Une excision chirurgicale est effectuée 3semaines plus tard, permettant une cicatrisation complète.

Discussion

La morsure d’araignée du genre Loxosceles est responsable de lésions d’aspect variable, de la simple réaction urticarienne à la lésion caractéristique observée dans notre cas (aspect « bleu/blanc/rouge » composé d’un centre ecchymotique avec parfois une vésicule hémorragique, un halo pâle ischémique et un érythème induré) [1, 2]. La cinétique est rapide, avec apparition de douleur et d’érythème en quelques heures et évolution nécrotique en 72heures [1]. La morsure est habituellement indolore et rarement remarquée par les patients. De ce fait, le diagnostic est la plupart du temps présomptif [3]. Notre cas a la particularité d’avoir une documentation objective par un arachnologiste. Le loxoscélisme est une affection méconnue en Europe. Prise à tort pour une dermohypodermite, elle peut faire l’objet d’un retard diagnostique et de l’introduction systématique d’antibiotiques, pourtant inutiles (le taux de surinfection étant rare, quelle que soit l’extension de la nécrose) [3]. Aucun traitement spécifique n’a prouvé d’efficacité dans la littérature, et la prise en charge initiale repose sur un traitement symptomatique [3]. La prise en charge chirurgicale (excision, greffe cutanée), si elle est nécessaire, doit être différée de plusieurs semaines afin d’éviter une extension de la réaction inflammatoire et nécrosante due au venin [2].

Conclusion

En cas de dermohypodermite nécrosante d’évolution défavorable sous antibiothérapie, le loxoscélisme cutané est un des diagnostics à évoquer.

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Vol 36 - N° S2

P. A180 - décembre 2015 Retour au numéro
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