Un blaste peut en cacher un autre - 22/11/15
Résumé |
Introduction |
Devant une hyperleucocytose majeure associée à des blastes circulants, le diagnostic le plus facilement évoqué est celui de leucémie aiguë mais des diagnostics différentiels sont à envisager.
Observation |
Un patient de 55ans était adressé aux urgences pour une hyperleucocytose à plus de 500 000/mm3. Ce bilan avait été réalisé dans un contexte d’asthénie évoluant depuis 3semaines associée à une douleur permanente de l’hypochondre gauche. Il n’avait pas d’antécédent personnel ou familial. Sur la biologie initiale, la créatinine était à 97μmol/L, l’acide urique à 697μmol/L, les LDH à 1519UI/L ; témoin d’une lyse spontanée. L’hémoglobine était à 10,5g/dL, le VGM à 106, les plaquettes à 227 000/mm3, les leucocytes à 594 000/mm3 sans anomalie de la coagulation. Une volumineuse hépato-splénomégalie était palpable à 4 travers de doigt, ainsi que des adénopathies inguinales inférieures à 2cm, sans atteinte cutanéo-muqueuse. Il n’y avait pas d’argument pour une leucostase. Les frottis médullaire et sanguin en urgence mettaient en évidence une population hétérogène de cellules plus ou moins immatures de taille variable, de haut rapport nucléo-cytoplasmique, à chromatine un peu lâche, et noyaux généralement ronds, mais parfois irréguliers, voire foliacés. Par ailleurs, on notait la présence de cellules avec une chromatine plus fine, nucléolée. Le cytoplasme était basophile, non granuleux. Le test à la peroxydase sur sang et mœlle était négatif. Les sérologies étaient négatives. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien permettait de visualiser une volumineuse hépato-splénomégalie. Il existait des hypodensités spléniques en faveur d’infarctus récents probablement responsable du tableau douloureux initial. Un diagnostic de lymphome du manteau de forme blastoïde était proposé sur les aspects cytologiques et confirmé par l’immunophénotypage sanguin et médullaire en faveur d’une hémopathie lymphoïde B kappa CD5+/CD23–/CD20+/CD10–ainsi que sur la biopsie médullaire avec un infiltrat massif (80 %) CD20+/CD5+/CD3–/CD10–/CD23–avec Bcl2 et cycline D-1 positif. Une chimiothérapie par cyclophosphamide, vincristine et prednisone était débutée avec une diminution rapide des cellules lymphomateuses circulantes, une autogreffe était envisagé après chimiothérapie par rituximab, aracytine, carboplatine, déxamethasone.
Discussion |
Les lymphomes du manteau sont une entité rare (7–9 % des lymphomes) survenant généralement chez des individus de plus de 60ans avec une nette prédominance masculine. La présentation est souvent d’emblée généralisée et agressive avec une polyadénopathie, une splénomégalie et une atteinte médullaire. Le pronostic reste sombre, lié principalement aux rechutes fréquentes et aux stades avancés au diagnostic [1 ]. Dans 20–30 % des cas, il existe des cellules lymphomateuses circulantes. Le phénotype est généralement celui d’une cellule B mature (CD5+ CD23–) avec une sur-expression de la cycline D1. Ce dernier élément est caractéristique des lymphomes du manteau et résulte d’une translocation t(11 ; 14) (q13 ; q32) permettant la juxtaposition du gène codant pour les chaînes lourdes d’immunoglobuline dans la région promotrice de la cycline D1, entraînant son expression constitutive et une dérégulation du cycle cellulaire. Quatre formes sont distinguées au sein des lymphomes du manteau en fonction de l’aspect en cytologie [2 ] : la forme à petites cellules, la forme classique du manteau, la forme pleïomorphe, et la forme blastique ou blastoïde. Cette dernière considérée comme la plus agressive et dont les cellules ressemblent à des lymphoblastes possèdent une chromatine lâche et un index mitotique élevé. Cette forme peut donc être confondue avec une leucémie aiguë lymphobastique (LAL), ou une leucémie à prolymphocytes B.
Conclusion |
La présentation blastique d’emblée et la très haute cellularité contrastent malgré tout dans notre cas clinique avec un état général modérément altéré et surtout une absence de leucostase ainsi qu’une lyse spontanée modeste. La splénomégalie majeure initiale peut également faire évoquer des diagnostics alternatifs comme : une leucémie à tricholeucocytes (toutefois absence de monocytopénie dans notre cas), un lymphome splénique à lymphocytes villeux ou une leucémie lymphoïde chronique. C’est l’immunophénotypage sanguin et médullaire qui a permis de poser avec certitude le diagnostic de lymphome du manteau de forme blastoïde. L’intérêt de cette observation réside dans l’importance de l’hyperleucocytose pouvant égarer le diagnostic vers une leucémie aiguë ; rares sont les cas rapportés de lymphome du manteau avec une hyperleucocytose aussi majeure (2 cas) [3 ].
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Vol 36 - N° S2
P. A138-A139 - décembre 2015 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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